J’ai lu ce livre qui revendique de n’être disponible qu’à “Rennes-le-Château”. Entendez à la boutique du Domaine de l’abbé Saunière.
Cette idée d’attirer l’attention sur des particularités qui échappent à la plupart des visiteurs valait bien d’être déclinée sous cette forme. Mais, nos deux auteurs, pris à leur propre jeu, voient quelquefois des mystères où il n’y en a pas. Quelques raccourcis ou approximations à signaler.
Ainsi, ils attribuent à Saunière la construction de la sacristie et, du même coup, de l’édicule qui y est accolé. Or, cette sacristie fut construite cinq ans avant l’arrivée de notre héros. Aucune certitude pour l’édicule, mais il me semble consécutif de la sacristie.
De même, ils s’appesantissent volontiers sur le N inversé de la croix de pierre de la sépulture de Saunière (sinon que ce N inversé n’a rien de mystérieux), rien ne dit si cette inscription est antérieure ou postérieure à la mort du Curé. Feu l’abbé Bruno de Monts pensait même que cette croix était celle qui trônait sur un socle à hauteur du clocher jusqu’en 1895 (voir le cadastre de l’époque) et que l’on désignait sous le nom de Croix d’Hautpoul. Je serais, pour ma part, assez convaincu de la chose.
Sans barguigner, nos deux compagnons accusent nommément Bérenger Saunière et Marie Dénarnaud d’avoir caviardé l’épitaphe de la Marquise à coup de burin. C’est du De Sède pur sucre !
En revanche, détails intéressant au sujet de l’escalier de la chaire. Or, il se pourrait que ces marches en pierre, venant remplacer probablement un escalier en bois obsolète, proviennent des marches de l’escalier descendant au Tombeau des Seigneurs. Elles ont été signalées comme telles. Saunière a pu utiliser d’autres parements pour les murets du jardin de l’église, comme le signalent très justement MM. Galley et Pourtal.
Petit psychodrame, en revanche, au sujet de l’orientation des anges-boussoles de Saint-Antoine de Padoue. Rien de mystérieux. Sinon que ce dispositif n’est pas unique. Un modèle de ce type figure dans le catalogue Giscard (maître-autel gothique n° 87), et on retrouver un autel surmonté de ces quatre anges tutélaires dans l’église de Bruch (Lot-et-Garonne).
Par ailleurs, il n’est pas exact d’affirmer qu’Elie Bot supervisa tous les travaux entrepris par l’abbé Saunière. Sauf erreur, il n’intervient pas dans la restauration de l’église. Pour la chapelle que Saunière envisage de construire dans le cimetière, en 1898, c’est à Nazaire Babou que notre Curé d’adresse dans un premier temps. Bot n’est sollicité qu’en 1901 pour le chantier du domaine. On sait, grâce au “Journal de l’abbé Saunière”, que les choses avaient d’ailleurs mal commencées.
Petit zapp au sujet des propriétaires du château d’Hautpoul. Sans transition, nos amis font passer le château des mains des Avignon-Captier à Marius Fatin. Or, entre les deux, il n’y a pas eu moins de six “locataires” au château…
Remarque pertinente au sujet du départ d’escalier dans la “pièce secrète” attenante à la sacristie, qui s’agrémente, plaisamment, de cette histoire de petit chien.
Reste le plat de résistance. Là où il est question de cet appendice qui dépasse du clocher, côté cimetière. Nos auteurs y verraient assez bien une canalisation médiévale (le petit trou au milieu). A ce train, on pourrait y voir une douche Casimodo…
Pour ma part, j’ai ma petite idée à ce sujet. J’en ai déjà parlé et l’ai publié. Mais, je ne suis pas le seul à l’avoir émise. Avant que j’y songe, dans son livre l’Affaire Saunière (2004), Jean-Pierre Viguié le suggère. Je ne m’en suis rendu compte qu’après avoir lu cet ouvrage un peu plus tardivement. Par la suite, cette disposition a été énoncée par Paul Saussez, qui en fait mention dans une plaquette parue en 2009, mais il ne l’a pas reconduite dans son titre suivant : Rennes-le-Château. Beyond the mystery. The factual history of a legendary village in Languedoc, publié en 2018. Lui en ayant parlé, M. Saussez m’a confirmé avoir abandonné cette éventualité, sans lui avoir trouvé une explication de substitution.
Mon point de vue serait qu’il s’agit là du fameux balustre que l’on a longtemps signalé comme proche de l’entrée du Tombeau des Seigneurs. Probablement loti près de l’autel (associé à la balustrade entre le choeur et la nef), il fut transporté près de la porte du clocher, lors de la restauration de l’église, vers 1640. N’oublions pas qu’un balustre est une colonne de pierre, symbolisant le poteau auquel était lié Jésus que l’on soumettait à la flagellation. Cette colonne pouvait parfois atteindre la hauteur d’un homme, comme celle ne dépassant pas celle d’une borne.
En quelle circonstance cette colonne aurait-t-elle été fichée dans le clocher ? Simplement, en 1739, au lendemain de la mort du petit Joseph, jeune fils de François d’Hautpoul et de Marie de Nègre d’Ables. Le bambin n’avait alors que deux ans. Avec lui s’éteignait la lignée mâle des Hautpoul de Rennes. C’était une façon de symboliser ce drame, comme la litre qui ceinturait déjà l’église de Rennes à l’occasion d’un décès antérieur.
Une dernière chose encore, Messieurs. Dites à M. le Maire que ce ne sont pas 1000 livres qui ont été publiés sur l’affaire de Rennes, mais pas moins de 800, voire 830 ouvrages, ce qui n’est pas si mal, en a peine soixante ans !