Contrairement à l’impression première, cet ouvrage n’est pas un avatar de plus sur le cas Saunière et son ébouriffant secret. Ce livre a pour objectif de prendre date au sujet d’une théorie développée par l’auteur et formalisant une topographie précise grâce à laquelle une découverte d’envergure serait possible.
Mais, préalablement à une telle démonstration, il lui faut entraîner le lecteur sur les chemins d’un “voyage initiatique”, comme il est précisé en sous-titre. Malheureusement, il semble bien que cette voie soit non seulement tortueuse, mais semée de cailloux.
D’entrée, Jean-Patrick Pourtal sous-entend que Gérard de Sède aurait connu l’affaire de Rennes dès 1956, précisément à la lecture des trois articles d’Albert Salamon publiés dans la Dépêche (p. 12). En réalité, c’est loin d’être le cas.
Décrivant les différentes découvertes qui ont été rendues possibles lors des travaux de l’église, dès 1887, l’auteur s’empêtre quelque peu dans la chronologie et les circonstances (pp. 37-42). La “oule” par exemple, ne fut pas trouvée enterrée sous la “dalle des chevaliers”, mais dissimulée dans une cache et protégée par une brique, entre le mur de la nef et l’autel carolingien.
Ses conclusions sont hâtives en ce qui concerne les prêtres contactés par Saunière après la découverte du “tombeau”, ainsi que son cahier-journal en fait foi. On sait désormais qu’il s’agit du Tombeau des seigneurs dont l’entrée fut trouvée par Saunière dans l’allée centrale de son église ! Dire que ce nom de Gélis, qu’il mentionne, désigne le curé de Coustaussa, c’est conclure trop vite. En ce cas, qui est Carrière et Cros ?…
Je m’en voudrais d’annoter ainsi l’ouvrage de M. Pourtal, que je sais être un passionné de longue date de cette affaire, mais comment ne pas souligner certaines erreurs, trop souvent répétées et qui auraient été aisées d’éviter. Notamment le don de 3000 francs-or de la comtesse de Chambord ((p. 32) et la mort de l’abbé Bigou survenue à Collioure et non à Sabadell en Espagne (p. 44)…
Chacun à le droit d’exprimer ses opinions, d’avancer des hypothèses, mais encore convient-il de bien assurer ses arrières.
Pourquoi, en effet, la décoration de l’église de Rennes-le-Château ne serait-elle pas d’essence rosicrucienne ? (pp. 104-105), mais les arguments mis en avant me paraissent fautifs.
En aucun cas, le Chemin de Croix de Rennes est “en dehors du dogme”! (p.111) La Station XIV n’est pas unique en son genre. Que Jésus ait été mis au tombeau après le crépuscule, cela se voit sur différentes versions livrées par le statuaire Giscard dans un certain nombre d’églises de France. Cette inhumation ainsi représentée est-elle “académique” ? C’est une autre affaire. Mais, en aucun cas, un argument en faveur d’un mystère potentiel à Rennes-le-Château.
De la même façon, la présence d’un serviteur noir, se tenant près de Ponce Pilate, dans la Station I, n’est une incongruité. On le retrouve dans les premières séries, commercialisées par Giscard. Cette disposition, comme le reste, doit principalement aux recommandations
de l’évêque Barbier de Montault, dont beaucoup de statuaires “Saint-Sulpiciens” se référaient à l’époque.
Boudet et Gélis furent-ils embarrassés par une découverte compromettante au point d’impliquer l’abbé Saunière et de “faciliter” son installation à Rennes-le-Château ? Jean-Patrick Pourtal le croit volontiers (pp. 146-148). De la sorte, les principales réalisations du curé de Rennes auraient pour vocation de cristalliser un endroit spécifique, proche du village de Rennes-le-Château. Le retrouver, permettrait à celui qui en serait digne de pénétrer un tombeau, dans lequel seraient encore entreposés des parchemins datant des premiers siècles chrétiens. Mais comme à Nag-Hamadi, ces textes présenteraient une orthodoxie bien différente de celle définie par le dogme de l’église catholique romaine.
Dans un premier temps, Saunière aurait menacé de tout dévoiler (d’où le procès canonique dont il eut à se défendre). Finalement, il serait rentré dans le rang, mais aurait semé autant d’indices que nécessaires afin que ce secret ne se perde pas (pp. 196-199).
Jean-Patrick Pourtal, Rennes-le-Château. Dans les pas de Bérenger Saunière. Un voyage initiatique. 209 p.