Je ne parle pas, évidemment, de la grotte du Fournet dite de “Marie-Madeleine” (dont la désignation est récente), visible depuis le belvédère du Domaine de l’abbé Saunière, mais celle de la Sainte Baume, qui passe pour avoir été l’ultime refuge de la pauvre exilée de Palestine.
L’affaire commence en 1609, une jeune marseillaise, Magdeleine de Demandolx de la Palud, que sa famille a voué au voile des Ursulines d’Aix-en-Provence, est sujette à des accès d’hystérie. Elle se roule au sol, ses yeux se révulsent et crie sa frayeur des visions démoniaques qu’elle éprouve.
Interrogée sur ses malaises répétées, elle désigne un prêtre de Marseille, de la paroisse des Accoules, Louis Gaufridy, d’être à l’origine de ses tourments. Elle l’accuse ainsi d’avoir abusé d’elle.
Soumise au Prince des magiciens, ainsi qu’elle qualifie son persécuteur, elle prétend qu’un diable du nom de Verrine, au service de Gaufridy, vient la harceler jusque dans son sommeil.
En vain plusieurs séances d’exorcisme sont administrées à l’adolescente par le frère Domptius, venu tout exprès des Pays-Bas. Elles ont lieu dans la vaste grotte de la Sainte Baume.
Le frère Michaelis, prieur de Saint-Maximin et Grand Inquisiteur de la foi en Avignon, a pris le contrôle de cette affaire. Il convoque l’abbé Gaufridy à la Sainte Baume. Celui-ci se défend avec véhémence.
Résultat, Michaelis le fait arrêter et ordonne que la “question” lui soit appliqué.
Louis Gaufridy résiste avec un courage exemplaire. Il admet seulement que, dans sa jeunesse, son oncle lui avait fait lire un livre de magie. Mais, il avait l’esprit suffisamment éclairé pour tenir tout cela pour des balivernes.
Sa résistance à la douleur persuade Michaelis que le Curé des Accoules est véritablement un suppôt de Satan. Comment, sinon, pourrait-il endurer des souffrances avec une telle dignité ?
Gaufridy est donc torturé, encore et encore. Finalement, le malheureux prêtre avoue sa connivence avec le Démon, son pouvoir spécial qui lui permettait de séduire et de jouir de toutes filles ou femmes, “pourvu que son souffle arrive à leurs narines” (sic !) Dans la foulée, il avouait un palmarès atteignant le millier ; Magdeleine de Demandolx étant du nombre.
Il faut dire que tout ce mécanisme d’anéantissement psychologique s’étend sur deux longues années.
Si bien que lorsque, le 16 avril 1611, l’Inquisiteur renvoie Gaufridy devant les juges séculiers d’Aix, ceux-ci confirment ses attendus au Civil. Gaufridy est impitoyablement condamné au bûcher.
Comme c’est souvent le cas, il est convenu que Gaufridy serait étranglé avant qu’on ne mit le feu aux fagots. Epouvantable ! La chaleur dégagée par les flammes empêcha le bourreau d’accomplir ce geste ultime et le malheureux Gaufridy fut brûlé vif. Même si, probablement, il fut asphyxié par la fumée au milieu de la fournaise. C’était le 30 avril 1611.
Deux autres affaires de cette sorte suivirent à peu d’intervalles, celle de Loudun (1632-1634) et celle de Louviers (1643-1647). L’émotion qu’elles suscitèrent obligea le pouvoir royal à prendre la mesure de ces crimes judiciaires en circonvenant à de tels errements.
Quelques références bibliographiques :
Jacque FONTAINE, Discours des marques des sourciers… sur le subjet du procès de l’abominable et détestable sorcier Louys Gaufridy, Paris, 1611
Sébastien MICHAELIS, Histoire admirable de la possession et conversion d’une pénitente séduite par un magicien, Paris, 1612
Jean LORÉDAN, Un grand procès de sorcellerie au XVIIème siècle, l’abbé Gaufridy et Madeleine Demandolx, Paris, 1912
Guy BECHTEL, Sorcellerie et possession. Un grand procès au Moyen Age, l’affaire Gaufridy, Paris, 1972.