Depuis plusieurs années, je dispose d’un tapuscrit datant de 1981, un texte resté inédit. Il a pour titre : Légende ou mystère ? Le trésor de Rennes-le-Château. Son auteur : Jean-Pierre Quignard.
Plus curieux que chercheur, M. Quignard, alors Président à la Cour des Comptes à Versailles, suivit cette affaire pendant près de trente ans. Il est décédé en décembre 2013.
Ce manuscrit qui fut présenté à un éditeur régional, fait 130 pages dactylographiées et comporte quelques illustrations.
[Pour la petite histoire, Didier Héricart de Thury avait rencontré quelque fois M. Quignard lors de ses passages dans le pays des Deux Rennes.]
Il synthétise correctement tout que l’on savait sur les affaires de Rennes jusqu’en 1980. Pas de surprise particulière, sinon quelques détails un peu oubliés.
[Rappelons que M. Quignard possédait ces fameux carnets de correspondances (de 1895 à 1914), confiés à lui par Henri Buthion. Ce sont sur les quatre microfilms qui en ont été faits, conservés aux Archives Départementales de l’Aude, que Laurent Buchholtzer, plus connu sous son pseudonyme d’Octonovo, a pu faire, voici douze ans, un travail récapitulatif.
J’ai donc choisi de vous faire profiter d’un extrait dont la période se situe en 1957. Elles sont la continuité des recherches commencées dans le Domaine par les docteurs Malacan et Brunon, ainsi que trois autres compères.
[Après la découverte des trois corps dans le parc du domaine]:
(p. 17-18) — Cette macabre découverte ne ralentit pourtant pas l’activité des chercheurs. Le pendule oscille toujours dans le jardin. On recommence à creuser. Mais, à trois mètres de profondeur, on se heurte à une plaque rocheuse. Rapidement, il est décidé de faire appel à un puisatier et le fouille se poursuit à la dynamite. Tous les jours, l’homme s’enfonce un peu plus , cinq, huit, dix mètres… Arrivé à vingt mètres, on décide de renoncer.
Reste une cavité qui a été signalée dans la falaise, au Nord du plateau, à l’aplomb du cimetière. C’était, d’après les gens du village, le départ d’un ancien souterrain. Mais devant tant de déconvenues, l’ardeur de nos hommes commençait à faiblir. Ne voulant pas, au dernier moment, abandonner cette piste qui était peut-être la bonne, ils entreprirent de nouveaux travaux de dégagement. Le boyau était à cette époque, encombré de pierrailles peu après l’entrée. Ils ôtent le tout à la main, en travaillant à plat ventre. Ils avancent ainsi peu à peu, mais à mesure de leur progression, l’espace s’amenuise. Le boyau se rétrécit même tellement qu’il devient impraticable. L’évidence est là : il ne s’agit que d’une faille naturelle. Cette fois, ils abandonnent !
Tant de travail et de peine n’avaient eu pour résultat que de faire ressurgir les témoins indésirables d’un proche passé. Cependant, les recherches et les excavations n’étaient pas passées inaperçues. On était en juin (1957) et les curieux, profitant des beaux jours, montaient nombreux au village. Ils trouvaient un guide précieux en Noël Corbu qui, cicérone complaisant, ne se faisait jamais prier pour raconter et commenter cette première campagne de fouilles. Rennes-le-Château devenait célèbre.
Ce n’est qu’au mois d’octobre que la Dépêche du Midi rapporta les évènement de l’été. L’article de Albert Salamon nous apprend qu’il y eut d’autres découvertes en marge des fouilles de l’équipe du docteur Malacan. D’abords, près de la de la tour du Nord (la serre), en creusant les fondations de la nouvelle cuisine du restaurant, on mit au jour une sépulture de l’époque ibérique. La tombe contenait un squelette d’une exceptionnelle grandeur – un mètre quatre vingt quinze, et un petit mobilier funéraire dont la pièce principale était un vase. Une expertise aurait été faite par le Conservateur du Musée de Carcassonne (peut-être René Nelli). Le journaliste poursuit par l’interview de Noël Corbu, qui lui décrit la découverte d’un ossuaire de pestiférés datant du Moyen Age (vers 1300). Datation confirmée par un document nommé “les Chroniques de Rennes”, qui fait état d’une épidémie à cette époque.
Ce même article de la Dépêche rapporte également que les fouilles continuent. Le restaurateur informe ensuite la presse de la venue à Rennes-le-Château du Joseph Poudret, “radiesthésiste-magnétome” (sic) grenoblois, qui s’était rendu célèbre dans l’affaire de Lurs (impliquant Gaston Dominici), ainsi que par le sauvetage du “Petit Poucet”, Charles Borel, dans les Alpilles de la Chartreuse.
Pour le moins, si les recherches avaient été décevantes pour leurs auteurs, elles n’en portèrent pas moins ses fruits, ne serait-ce que pour la célébrité ainsi acquise par l’établissement de Noël Corbu. —
Bonjour Michel,
Cet article est intéressant …
Je voudrais revenir sur le passage suivant concernant les ossuaires :
” … Le journaliste poursuit par l’interview de Noël Corbu, qui lui décrit la découverte d’un ossuaire de pestiférés datant du Moyen Age (vers 1300). Datation confirmée par un document nommé “les Chroniques de Rennes”, qui fait état d’une épidémie à cette époque …”
Deux importants ossuaires ont été découverts dans la zone périphérique des anciennes fortifications de la ville haute de RlC.
1°) Le premier ossuaire se trouve dans les pentes de la Capelo, à proximité de la tour Magdala et du parking du château d’eau communal. Une carte postale d’Antoine Fages en montre l’emplacement répéré d’une croix ;
2°) Le second ossuaire se situe à proximité du virage des moulins.
Il ne s’agit en aucun cas de pestiférés lors d’une épidémie en 1300, mais des cadavres des combatants lors de la prise de la ville en 1362 par Henri de Trastamare qui mit en 1362 le siège devant Rennes-le-Château avec ses routiers aragonais. Ces dernières destructions semblent bien avoir marqué le déclin définitif de Rennes.
Plutôt que de creuser de nombreuses tombes dans le sol rocheux du village, il a été décidé de ranger et d’empiler les nombreux cadavres dans les anciens souterrains défensifs du village. Ces souterrains ayant prouvé leur inutilité défensive qui n’empêchèrent aucunement la prise de la cité, il fut décidé de les transformer en nécropoles.
Les souterrains partaient de l’ancien château des de Voisins qui se situait plus à l’Ouest et englobait les actuels chemins de ronde, la villa Bethania, le domaine de l’abbé, l’église et le cimetière.
La destruction du village par les routiers aragonais d’Henri de Trastamarre en 1362.
Voici, tel que Fédié les a consignés, comment se déroulèrent les évènements en question. En juillet 1361, Pierre de Voisins dut se rendre dans le Fenouillèdes avec un corps de troupe afin de s’opposer à l’avance d’un fort contingent de routiers conduit par Henri de Trastamarre. Ce prince de Castille, intrigant et aventureux mais non dénué d’un certain esprit de grandeur, n’avait alors que 28 ans et venait d’être chassé d’Espagne par son frère Pierre dit le Cruel, lequel était soutenu par le parti anglais. Henri de Trastamarre se réfugia en France, qui se trouvait alors ravagée par la guerre de Cent ans. Il sillonna le Roussillon, le Vallespir, le Razès et la Corbière à la tête d’une bande de mercenaires sans foi ni loi qui, mal encadrés, ne tardèrent pas à commettre des exactions et à semer la terreur dans toute la contrée.
Par la suite, ce prince exilé repassera les Pyrénées avec des éléments des grandes compagnies de l’armée de Du Guesclin et, après bien des péripéties retrouvera son pays et le trône dont il avait été écarté.
Quoi qu’il en soit, lors de sa première venue en Languedoc, Henri de Trastamarre dut apparaître, aux yeux des populations apeurées et mal instruites des choses politiques, comme un vulgaire chef de brigands dont la soldatesque ne respectait aucun bien. Les routiers, venant du Roussillon, auraient donc remonté la vallée de la Boulzane, ravagé le Perapertusès et, après le sac de Caudiès, se seraient dirigés vers le col de Saint Louis afin de déboucher sur les hautes terres du Razès.
Bien que Pierre de Voisins se fut porté à leur devant, ce « baroud d’honneur » n’arrêta pas les Espagnols qui, en 1362, auraient mis le siège devant Rennes. Après de durs combats, une brèche énorme est ouverte par laquelle les ennemis pénètrent en masse. Le village est alors complètement pillé puis détruit, la plupart des habitants tués ou enfuis. Pierre de Voisins a réussi à s’échapper et à gagner Limoux où il va lever de nouvelles troupes. Le site de Rennes n’est plus désormais qu’un lieu ravagé par la guerre, jonché de ruines et déserté par ses habitants.