Le 17 février dernier, Michel Azens a fait écho sur son site Internet : Sudinsolite *, de l’inventaire des biens de Mgr Joseph François de Boucaud, ab intestat, qui fut évêque d’Alet de 1724 à 1762.
C’est en lisant le volume X, première partie, des Mémoires de la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne, aux pages 139 à 180, qu’il en prit connaissance.
L’intérêt de ce rappel serait évidemment mineur, s’il n’était pas à considérer dans sa finalité.
Agé de soixante-dix neuf ans, Mgr de Boucaud décédait le 12 décembre 1762, au terme de trente-huit ans d’épiscopat à Alet.
Cinq semaines plus tard, il fut procédé à l’inventaire de son patrimoine. Cette disposition s’étendit du 17 janvier 1763 jusqu’au 28 avril de la même année.
Cet inventaire fit ressortir un choix non négligeable de bijoux, d’objets du culte, d’une argenterie assez pléthorique (même si elle s’avéra incomplète) et de vêtements sacerdotaux d’un certain apparat.
On retiendra également plusieurs tapisseries très estimées, des tentures, des estampes et des tableaux. De même, des meubles, des lustres et des bougeoirs.
Mais ce qui a surtout retenu l’attention et occupé pendant un mois les commissaires chargés de cette besogne, c’est l’inventaire de la bibliothèque. Elle s’éternisa du 9 mars au 15 avril !
Aux dizaines d’ouvrages de piété, s’ajoutaient des traités d’études latines, des auteurs ascétiques, la plupart des grands romans, depuis le Moyen Age. Mais également, des volumes intéressant l’Histoire, l’étude des caractères et des philosophies.
Mgr de Boucaud n’a, semble-t-il, pas négligé les épistoliers, puisque l’inventaire fait ressortir des auteurs comme Racine, Voltaire et Campistron. Plus étonnant est cet Alphabet de l’imperfection et malice des femmes ! Il n’est pas jusqu’au Mercure de France, de 1733 à 1762, soit 357 volumes, qui ne viennent témoigner de la passion toujours renouvelée du vieux prélat pour la lecture et son vif intérêt pour l’information.
Pour l’anecdote, il semble qu’aucun de ces ouvrages n’ait été marqué d’un fer aux armes de l’évêque ou même s’il portait un ex-libris.
On peut estimer que le nombre de volumes constituant cette bibliothèque n’était pas inférieur à 3000 !
Dans la disposition d’attribuer la valeur de ces biens au bénéfice d’un neveu, Thomas-Marie de Boucaud, seigneur de Teyran, on œuvra pour leur mise en vente. Cette cession fut fixée au 6 août 1764. Mais son insuccès obligea à la reporter pour l’année suivante.
Finalement, cette vente fut relancée le 18 mars 1765. Déçus des diverses propositions qui furent faites jusqu’au 26 mars, soit de l’achat du mobilier, soit de celui de la bibliothèque, on se résigna à accepter l’offre de Mgr Charles de La Cropte de Chantérac, le nouvel évêque d’Alet, qui offrit pour le tout 41 000 livres (il en avait d’abord proposé 34 000 livres).
On sait la suite. En 1792, suite à l’aliénation des biens de l’Eglise, décrétée par l’Assemblée Constituante, il fut procédé – en octobre de cette même année, à l’inventaire des biens de Mgr de Chantérac, alors que celui-ci s’était réfugié en Espagne, à Sabadell, près de Barcelone. On en trouvera la transcription dans un article publié par Jules Doinel dans les Mémoires de la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne, tome 3, 2e série, année 1907, aux pp. 223-234), Eh bien ! Le croirez-vous, de l’argenterie époustouflante de son prédécesseur, il ne restait plus que “quatre cuillers et quatre fourchettes en vermeil”. Des bijoux, de la vaisselle d’argent et des bougeoirs ciselés, il n’y en avait nulle trace. Quant à la bibliothèque, il ne restait plus guère que six bréviaires, trente-huit volumes de cantiques et deux cents rituels à l’usage des dévots d’Alet…
C’est un fait acquis désormais que les biens de l’évêque ont été soustraits à la rapacité des commissaires de la République. Il est facile de comparer l’inventaire des biens laissés par Mgr de Boucaud à son décès et rachetés par son successeur Mgr de Chantérac et le procès-verbal de saisie qui fut dressé en application des lois d’octobre 1789 sur la nationalisation des biens du Clergé.
Par un cheminement qui a été esquissé et récemment divulgué (1), nous savons que le trésor de Mgr de Chantérac a été transporté secrètement à Rennes-le-Château, et qu’un compte-rendu a été fait de cette opération par le curé du lieu, l’abbé Antoine Bigou, une semaine avant qu’il ne quitte définitivement sa paroisse.
C’est ce dépôt que l’abbé Saunière retrouva, cent dix ans plus tard, et dans lequel il puisa parfois au péril de sa vie, en raison de l’incommodité de l’endroit.
Après la mort de l’abbé Saunière, on retrouva dans la bibliothèque de la tour Magdala, des volumes du XVIIe et XVIIIe siècles portant des traces d’humidité. Les quelques possesseurs de ces livres sont connus. Il serait intéressant de comparer les titres de ces ouvrages avec la longue recension des exemplaires catalogués dans l’inventaire de la bibliothèque de feu Mgr de Boucaud.
* Un inventaire épiscopal : 1ère partie – 2ème partie
(1) “Les découvertes de l’abbé Saunière dans l’église de Rennes-le-Château”, par Pierre Jarnac, pp. 73-76, supplément à la Bande dessinée d’ Antoine & Marcel Captier et Michel Marrot, Le secret de l’abbé Saunière, éd. Pégase, juillet 2017 ; Patrick Mensior, le journal de l’abbé Saunière, 1901 à 1905, pp. 233-240, ODS/Renneslechateau.doc, novembre 2017.
bonjour,donc d après vous ce serais sa le fameux trésor?
Bonjour.
Non, pas essentiellement, mais un ensemble tout de même appréciable de livres en faisait partie. Mais il y a le reste, ce que l’on peut distinguer dans l’inventaire de Mgr de Boucaud, et que l’on ignore des biens de Mgr de Chantérac. Rappelons que cet évêque était un fin collectionneur. Il avait accumulé des bijoux, des monnaies, etc… Et je ne parle pas des plus beaux objets de la cathédrale d’Alet…
Cordialement
Bonjour,
“On peut estimer que le nombre de volumes constituant cette bibliothèque n’était pas inférieur à 3000 !”
Pour le moins oui car selon l’inventaire de ses biens, la seule bibliothèque de Mgr de Bocaud est couchée sur quasiment 300 pages. A raison de 15 ou 16 références par page, cela amène à environ 4700 références.
PM
Bonjour Patrick
J’ai failli écrire 4000 volumes, mais j’ai pensé qu’il valait mieux en minimiser le nombre plutôt que de l’augmenter sans pointage précis. Cet article est surtout fait pour fixer un peu la nature du trésor probable, on est tout de même dans une “comparaison intuitive”, si je puis dire.
Bien cordialement.
Hello Michel,
Bien sûr, le chiffre de 4700 que je t’ai signalé doit être considéré comme une approximation. Mais je pense qu’en terme de livres, il doit encore être revu à la hausse car ce chiffre “4700” concerne des références et non des volumes. 😉
Bien à toi