Dans son livre, Rennes-le-Château, le dossier, les impostures, les phantasmes, les hypothèses, paru en 1988, Gérard de Sède prend prétexte de ce qu’en pleine guerre, alors que la France est occupée, Pierre Plantard aurait déposé en Préfecture les statuts de l’ordre Alpha-Galates, qui se voulait l’organe d’une nouvelle chevalerie, pour nous citer tout le Gotha de l’occultisme de l’Entre-Deux guerre. A savoir, Emma Calvé, la fameuse cantatrice gouroutisée, qui fréquenta, successivement sinon simultanément, Papus, Jules Bois, Stanislas de Guaïta et, surtout, Joséphin Péladan. Ce même Péladan, qui avait pour secrétaire un certain Georges Monti qui créa, en 1934, l’ordre Alpha Galates, dont le siège officiel se trouvait au 10, rue Lebouteux, à Paris XVIIème.
Il n’en fallait pas davantage à Gérard de Sède pour insister sur les penchants rosicruciens de l’abbé Saunière dont la décoration de son église en regroupait les principaux symboles.
Aussi bien, selon le principe que le Curé aurait appartenu au cercle restreint d’Emma Calvé, il aurait été un adepte convaincu des engagements kabbalistiques de Joséphin Péladan, fondateur de l’Ordre du Temple de la Rose+Croix catholique !
Décédé en 1918, Péladan aurait fait de son secrétaire, Georges Monti, son successeur. C’est ainsi que Gérard de Sède rappelle que Monti continua longtemps à utiliser le même papier à lettres jaune d’or de son maître disparu.
Autant Péladan aimait l’ostentation, autant Monti s’appliquait à être effacé et discret.
Né à Toulouse, il avait trente huit ans lorsqu’il put prendre son essor. Dès 1902, il commença à frayer avec les milieux néo cathares qui se distinguaient à Toulouse et Albi.
Après un court séjour à Avignon, il se rend à Paris en 1905. C’est dans la capitale qu’il noue les principaux contacts qui lui seront indispensables par la suite. Il a des idées politiques, il songe à des « Etats-Unis d’Europe ». Mais, il ne révèle jamais rien de ses visées.
D’abord introduit dans les milieux du Martinisme, il joue cheval de Troie auprès des B’naï B’rith pour mieux contrôler les activités paramaçonniques juives en France.
C’est à cette époque qu’il prend le titre de Comte et substitue à son prénom le nom d’Israël. Pour devenir Comte Israël Monti. Et adopte le nom initiatique de Marcus Vella.
Puis, il entame un voyage en Orient. En Egypte, il est reçu par Orphi Pacha, Grand-Maître du Grand Orient Ottoman. Comme le fut jadis Cagliostro, le comte Monti fut également initié à un ordre oriental secret, à l’intérieur de la pyramide de Khéops.
A son retour en 1909, passant par la Grèce, il entre à la Grand Loge italienne Steaku Saloniculus.
En 1910, il est à Münich et approche la Rose-Croix de Bavière, qui n’est autre que la Vehme. Ce mot de vehme signifie « vengeance ». Les adeptes militent pour un retour aux anciens cultes nordiques abolis en Allemagne, au détriment des considérations christiques.
Étonnement, cette mouvance païenne est soutenue par une noblesse de de choix et se recrute même parmi les Hohenzollern, qui ne rêvent que de guerre sainte.
A quoi tout ce parcours lui est de quelque utilité ? En fait, il joue les taupes, tantôt pour le compte de l’Intelligence Service, tantôt pour les services spéciaux allemands et, parfois même, les deux à la fois. Le comte Monti est du genre à beurrer ses tartines des deux côtés.
Mais, piégé par le jeu des influences, il se retrouve bientôt mêlé à ceux qui s’opposent à l’accession au pouvoir d’Hitler. Il quitte donc l’Allemagne en janvier 1933 et se réfugie à Paris.
Dans l’ombre, il se compromet dans l’affaire roumaine, prenant fait et cause pour un fantoche que les Nazis entendent imposer. Cela a pour effet de révéler sa vraie nature d’agent double. C’était en juin 1936.
Quelques mois plus tard, en octobre, le bulletin des Ateliers supérieurs de la Grande Loge, met au jour sa versatilité. On y déclare qu’il n’est ni comte ni maçon !
Finalement, le 21 octobre de cette même année, il meurt chez lui, au 80 rue du Rocher, Paris VIIIème. Son corps était couvert de taches noires. Son ami, le docteur Camille Savoire, aura cette réflexion sibylline : « Il est bien mort du coup qui l’a frappé. » Sous-entendu : « il est bien mort de ce qu’il méritait ».
Rappelons que Georges Monti et le Père Emile Hoffet se seraient connus. Le religieux aurait même constitué un dossier sur Monti. C’est ce dossier que se serait partagé le journaliste catholique Léon de Poncins et le journaliste marxiste Gérard de Sède.
Réf. Gérard et Sophie de Sède, L’occultisme dans la politique, pp. 174-179 ;
Léon de Poncins, « L’affaire Georges Monti », in La voix des Francs catholiques, n° 42, octobre 2016, pp. 3-31.