En complément de mon article précédent sur Georges Monti : I C I , voici un essai biographique au sujet d’Emile Hoffet. Le Père Hoffet aurait eu à croiser celui qui se faisait appeler le Comte Israël Monti. Concernant cet inquiétant personnage, le Père Hoffet aurait constitué un dossier sur ces activités.
Un des arguments de Gérard de Sède pour authentifier le voyage de l’abbé Saunière, à Paris en 1891 (1), est de signaler la rencontre du Curé de Rennes avec l’abbé Emile Hoffet. Réduite à quelques lignes, cette mention s’inspire d’une indication puisée dans ce qu’il est convenu d’appeler les « papiers Lobineau ».
Par quel intermédiaire l’abbé Saunière aurait-il rencontré le Père Hoffet ? Selon Gérard de Sède, il dut cette faveur à l’abbé Victor Bieil, alors directeur du séminaire de Saint-Sulpice et oncle du jeune oblat. (Toujours d’après Gérard de Sède, c’est sur la recommandation de l’Evêque de Carcassonne, Mgr Billard, que Saunière rencontra l’abbé Bieil).
Ainsi que l’a fait remarquer René Descadeillas, dans sa Mythologie du trésor de Rennes (1974), c’est improprement que l’on donna le titre d’abbé à Emile Hoffet, celui de Père convenait plus à son ordre. L’intéressé n’appartint jamais au clergé séculier, mais à la congrégation des missionnaires Oblats de Marie Immaculée.
Alsacien, il était né le 11 mai 1873 à Schiltigheim (diocèse de Strasbourg), d’un père Protestant – Henri Hoffet, marchand de bois, et d’une mère Catholique, née Sophie Feisthammel. Le jeune Emile commença ses études à la maîtrise de Montmartre et acheva ses humanités au juniorat de Sion (Meurthe-et-Moselle).
Ayant pris l’habit le 14 août 1892 à Saint-Gerlach (Hollande), il fit son oblation perpétuelle le 15 août 1894, au Scolasticat de Liège. C’est là qu’il fut ordonné prêtre, le 10 juin 1898. D’abord affecté au Sacré-Cœur de Montmartre en 1899, il est nommé successivement professeur au juniorat de Notre-Dame de Lumière (dans le Vaucluse) et à Notre-Dame de la Garde (Marseille).
En 1901 il est envoyé comme missionnaire à Notre-Dame du Bon-Secours. C est là qu’il reçoit, en 1903, son obédience pour le juniorat italien de la Porte Tiburtine, à Rome. Il ne restera dans la Ville Eternelle guère plus de six mois, pour passer ensuite au Grand Séminaire d’Ajaccio, où on l’y retiendra guère plus.
En septembre 1904, on le juge apte à remplir les fonctions de rédacteur en chef d’une publication qui appartient aux Oblats, les Petites Annales, et qui a son siège à Liège. Il se montrera tout à fait digne de la confiance qu’on placé en lui ses supérieurs. Au cours des quatre années où il a assumé cette direction éditoriale, il a laissé le souvenir d’un homme objectif et pétri de théologie entendue.
Un de ses pairs dira ainsi de lui : « On voyait qu’il avait constamment travaillé pour se faire un fond de prédications solides, théologiques et catéchistiques… Comme missionnaire, il était à la fois solide, profond et pratique. Il ne dédaignait pas les moyens modernes et les mélangeait avec les industries anciennes et traditionnelles des missionnaires de Bon-Secours. Dans sa prédication, il ne se livrait pas facilement à des transports oratoires. Chez lui l’émotion jaillissait plutôt de la doctrine que du sentiment. Sa voix ne permettait d’ailleurs pas de la prolonger pour obtenir des effets sensationnels ; il reprenait vite le ton de l’exposé simple et clair, où il excellait. »
Missionnaire, il le redeviendra en 1908, où il exercera à Verdun, puis à Attert (1911-1912), à Angers (1912-1914) et à Paris. Pendant la Grande Guerre et jusqu’à sa mort, survenue le dimanche 3 mars 1946, il habitera un domicile particulier, au 7 de la rue Blanche (IXe arr.).
Force est donc de constater – et en cela nous arrivons aux mêmes conclusions que René Descadeillas, que jamais Bérenger Saunière, que ce soit en 1891 ou en 1893 (2), n’a pu rencontrer le Père Emile Hoffet. Celui-ci, selon les dates, était soit en Lorraine, soit en Hollande, mais de toute façon il n’avait pas encore reçu son ordination ! Quant aux travaux liés « à l’occultisme et aux sociétés secrètes» dont Emile Hoffet se serait occupé durant sa studieuse carrière, il faut se résoudre à ne pas en attendre grand chose. C’était sans nul doute un distingué linguiste, mais ni un spécialiste en cryptographie ni un historien.
(1) Bien des auteurs, occupés des mystères de Rennes, répètent à l’envi que c’est en 1891 que Bérenger Saunière vint à Paris. C’est d’ailleurs ce que précise Gérard de Sède dans son livre Rennes-le-Château, le dossier, les impostures, les phantasmes, les hypothèses (éd. Robert Laffont, 1988), en insistant sur le fait que ce fut probablement au cours de l’été 1891 que le Curé de Rennes fit le déplacement. Or, si on lit attentivement L’Or de Rennes (éd. Julliard, 1967), Gérard de Sède place l’entretien entre Saunière et Mgr Billard en 1893. Ce n’est qu’ensuite que notre homme aurait fait le voyage.
(2) Dans Rennes-le-Château, le dossier, les impostures ... (p. 27), Gérard de Sède nous apprend qu’il a eu la chance d’acquérir une partie des archives de l’Oblat, lesquelles étaient entreposées dans la cave du 3, villa Mozart, maison appartenant à l’Ordre du Père Hoffet. « Or, souligne-t-il, sa rencontre avec Saunière y est mentionnée mais, malheureusement, sans autre précision et sans la date.»
Au sujet de documents qu’aurait laissé le Père Hoffet, on relève sous la plume de Marie-France James: Occultisme, Franc-Maçonnerie et Christianisme, aux XIXe et XXe siècles (Nouvelles éditions Latines, 1981, p. 150), cette mention fort énigmatique: [il] a laissé à l’état de manuscrits des notes et essais d’étude relatifs à l’histoire de la Franc-Maçonnerie conservés aux Archives des Oblats de la province de Paris. »
Ecrits du R.P. Emile Hoffet, O.M.I. :
Expulsion des Oblats de Notre-Dame de Bon-Secours (Lablachère, Ardèche), par Sylvestre (E. Hoffet). – Privas, impr. Ardéchoise J. Galland, 1903, in-8°, 90 pp. Illustrations. – 2e édit. Ibid. 1904.
Mgr C.J.E. de Mazenod, évêque de Marseille, fondateur de la congrégation des Miss. Oblats de Marie Immaculée, et la définition du dogme de l’immaculée Conception – Liège, Dessain, 1904, in-8°, 119 p. Reproduit dans les Missions O.M.I., 1904, pp. 225-253. Contribution aux Petites Annales, de 1904 à 1908.
Collaboration au journal l’Univers, de Paris 1913-1914. – Articles sur la théologie pontificale.
Les poésies de Sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus mises en musique.
Haut les cœurs! L’autel et le catafalque – Allocution prononcée en l’église métropolitaine de Paris. – Paris, 1916, in-12, 14 p. « Les Souverains Pontifes et le sacré-Cœur », in Regnabit, pp.1-16 (Paris, 1921-1929).
« Le sacré-Cœur au Moyen Age en Allemagne et en France », in Regnabit, 2 (Paris 1921-1922), pp. 34-39.
« Le sacré-Cœur et la France du Dahomey», in Regnabit, pp.14-15 (Paris, 1927-1928).
« Le Cœur Sacré du prêtre et des prêtres », in Regnabit, 16 (Paris; 1928-1929), pp. 161-167, 237-245.
(Reprint d’un article publié en avril/juin 2005, in Pégase n° 11, pp. 24-28)
Un commentaire