C’est tout récemment que j’ai découvert l’existence d’un ouvrage coécrit par Alain Gros et Robert Tiers, paru en 2015, ayant pour titre : En quête de Nicolas Poussin ou les tribulations d’un amateur d’art dans le monde des experts, éditions Jean-Michel Place.
Dans cette publication, Alain Gros, historien de l’Art, fait la part belle à Robert Tiers en lui laissant volontiers la parole. Robert Tiers est passablement connu des candidats à la course aux trésors de Rennes-le-Château. Depuis une quarantaine d’années, ce tapissier-décorateur d’Avignon, marchand de tableaux à ses heures, se démène pour faire reconnaître par le Louvre un tableau du XVIIe siècle, qu’il attribue au prestigieux maître classique français, Nicolas Poussin !
Ce tableau, représentant un paysage, Robert Tiers l’a acquis pour neuf mille francs, en novembre 1975, lors d’un salon des Antiquaires à Toulouse. Il avait été subjugué par son étonnante luminosité. Présenté dans un cadre doré à palmettes du premier Empire, il a pour format : 74.5 cm de haut sur 99 cm de large. Au bas de la toile, il distingue une signature : N. Pouffin. Serait-ce un authentique tableau de Nicolas Poussin ?
D’abord incrédule, il se promet de faire sa petite enquête.
De retour à Avignon, il montre sa trouvaille au conservateur du Musée Calvet. l’homme est dubitatif, mais il avertit les services du Louvre. Si bien que, quelques jours plus tard, Robert Tiers reçoit la visite de Michel Laclotte, directeur du Musée du Louvre, et de son conservateur en chef, Pierre Rosenberg. Rien en se décide lors de cette visite, ni authentification ni offre de prix.
Toutefois, une semaine plus tard, un mandataire du Louvre offre à Robert Tiers dix mille francs pour cette oeuvre secondaire. Il s’agirait en fait d’un paysage peint par Francisque Millet (1642-1679), “suiveur de Poussin”.
Refusant l’offre qui lui est faite, Robert Tiers n’en continue pas moins son enquête.
En examinant le tableau, il aperçoit en son centre, le monogramme GD, peint en trompe-l’oeil, qui serait les initiales de Gaspard Dughet. Or, Nicolas Poussin avait épousé en août 1630, une demoiselle Anne-Marie Dughet, dont le frère, Gaspard, devint un de ses élèves, à Rome.
Voyage à Rome en juillet 1976 où Robert Tiers, en compagnie de son fils, traque tous les Dughet qu’il peut trouver dans les église de la Ville Eternelle. Il en revient peu convaincu.
Nouveau voyage à Rome deux mois plus tard où, cette fois, il est reçu par le professeur Del Ré, conservateur des archives du Vatican. Cela lui permet d’avoir une meilleure approche de l’oeuvre de Poussin. Sur recommandation, il peut rencontrer les spécialistes de l’oeuvre du peintre français en poste à Rome.
De retour en France, – et grâce aux recherches de Mme Françoise Gaspari, chartiste attachée au CNRS, il apprend que son tableau faisait probablement partie de la collection du cardinal Joachim de Bernis, archevêque d’Albi (1764-1769) A la Révolution, sa collection de tableaux fut dispersée. Certains finirent au Louvre; d’autres, au musée des Augustins de Toulouse. Quelques-uns encore , furent récupérés par des familles. A remarquer, selon cette spécialiste, que le cardinal affectionnait les vues de Rome et singulièrement les paysages des bords du Tibre représentant des collines, des ruines et des horizons.
En février 1977, Robert Tiers rencontre le professeur Jacques Thuillier, grand spécialiste de l’oeuvre de Nicolas Poussin. L’ektachrome à la main, l’expert signale alors que dans son Classique de l’art sur Nicolas Poussin, p. 240, il faisait déjà observer qu’en 1661, le vieux peintre avait offert à son ami Charles le Brun, un tableau représentant un paysage. Or, cette toile, on en avait perdu la trace !
Plus exactement, par défaut, on supposait que ce tableau était celui figurant dans les collections du musée du château de Chantilly…
A force de scruter ce tableau, Robert Tiers se persuada d’y reconnaître, mêlé au paysage, l’emblème royal des Mérovingiens; ainsi que celui des Bourbons. Enfin, il distinguait nettement un écureuil qui semblait veiller sur un trésor.
Bien que tous les ingrédients soient réunis (Dagobert II, Louis XIV et “les Bergers d’Arcadie”, Nicolas Fouquet), Robert Tiers ignorait tout des mystères de Rennes-le-Château.
Ce n’est qu’en septembre 1990, dans le cadre de son travail de marchand de tableaux, de passage à Paris pour faire expertiser une toile de Cézanne, qu’il montra de nouveau l’ektachrome à son interlocuteur, M. Dussault. A la vue de ce cliché, l’homme s’exclama : C’est Rennes-le-Château !
Et M. Dussault de lui parler de Charles Le Brun, dont le tableau est évoqué chez deux auteurs : André Félibien, en 1684; Florent le Comet, en 1699.
Dans ses Entretiens, André Félibien souligne que Poussin fit sur la fin de sa vie trois tableaux : Une Fuite en Egypte par Mme de Chantelou; une Samaritaine, pour son époux; enfin, un paysage pour Charles Le Brun. Quant à Le Comte, dans son Traité de peinture, il évoque un tableau peint par Poussin pour Le Brun, vers 1656-1659. “Il fit un paysage dont le lointain est si beau, insiste-t-il, si bien représenté, qu’il y fait paraître plus de lieues de chemin qu’on ne pouvait en parcourir en un jour.”
Une question s’impose désormais : quel fut le parcours de ce tableau, depuis Le Brun jusqu’au moment où Robert Tiers l’acheta à Toulouse ?
Il ne le saura que fragmentairement. Rien entre Le Brun et l’archevêque d’Albi, mais ensuite le tableau fait un séjour au château d’Esparbès, dans le Gers, avant d’orner le salon de la maison aux arcades à Marciac (Gers) Puis, il tombe dans la succession d’un menuisier de Pau, qui le revendra à un antiquaire de Béziers. C’est un médecin qui le rachètera et dont la veuve le cédera à son tour au brocanteur qui, lui-même, le cédera – enfin ! – à Robert Tiers.
A noter que Charles Le Brun était originaire de Pau. Donc le tableau, pendant trois siècles, n’avait guère quitté le Sud-Ouest de la France.
Restait encore à Robert Tiers d’identifier de quel paysage précis des parages de Rennes-le-Château le tableau est la représentation.
En novembre 1991, depuis Espéraza, empruntant le chemin du Poux, jusque au-dessus du cimetière et se positionnant au lieu dit “Le Cazal”, il a devant lui la topographie exacte restituée par Nicolas Poussin. D’après Robert Tiers, pas de doute ! Sous ses yeux s’offre à lui le “pays des pommes”, décrit par Jean Loret, un nouvelliste du XVIIe siècle, dont la chronique, en date du 8 et 15 novembre 1659, plus connue sous le générique de Muze historique, place en ce lieu un trésor fabuleux, d’origine antique, enfoui dans les méandres d’un effroyable labyrinthe.
Ph. Jean Brunelin
Références : Jean Loret, la Muze historique, t. III (1659-1662), éd. 1878, p. 125-126 (vers. 210-280 + p. 128, vers. 175- 270
NB. Rappelons que c’est chez Jean Loret que Robert Tiers retrouva également l’écho d’une certaine “pluie d’or” survenue en septembre 1661, quelque part dans le diocèse d’Alet et du procès qui s’ensuivit entre l’évêque diocésain, Mgr Nicolas Pavillon, et le hobereau dont dépendait la terre en question. (t. III, p. 408, vers. 265-290; p. 420, vers. 55-95).
Très belle histoire qui nous a captivée en Razès depuis bien des années ! Encore une fois, un très beau tableau, mais qui ne ressemble pas à un Poussin, je veux parler du style et de la technique visible … mais ce détail ne prouve rien (je précise que je suis un amateur de peinture et j’ai suivi trois ans de de cours des Beaux Arts). Mais pourquoi monsieur Tiers s’efforce-t-il de nous faire croire que le paysage du fond de tableau est celui du site de Rennes le Château ? Je n’arrive pas à comprendre. En quoi cela peut-il le valoriser, d’autant plus que pour qui connaît la région et le paysage vu depuis du haut de la route du Poux, chemin qui est pour moi une de mes promenade préférée, connaissant par cœur le tableau, montant avec une reproduction pour ne pas me tromper, je n’ai pas encore constaté la moindre ressemblance de ce magnifique tableau avec la réalité , non moins magnifique, mais bien différente à mon humble avis, malgré toute ma bonne volonté ! C’est évidemment un médiocre canular terminant en queue de poisson une extraordinaire quête ! Tout ça pour l’odeur d’un improbable trésor ? Tout cela me semble bien puéril et décevant !