C’était en 1973, en octobre ou novembre, je fus alors contacté par le metteur en scène Jean-Jacques Sirkis, qui achevait une série de sept films consacrés à la chasse aux trésors. Certains faisaient la narration de cas résolus ou exemplaires ; deux ou trois étaient basés sur d’irritantes énigmes. Le film consacré à l’affaire de Rennes-le-Château était de ceux-là.
Sollicité de prêter mon concours, je mis en garde mon interlocuteur sur les faux et les témoignages tronqués qui circulaient alors et qui trouvaient crédit auprès de quelques auteurs.
Cette prévention eut pour effet de rendre dubitatifs les producteurs qui entendaient utiliser comme trame à leur séquence la récente version d’Henry Lincoln “Le trésor perdu de Jérusalem” tournée en mars 1971 par la BBC.
En conclusion, j’incitais ce professionnel à rencontrer M. René Descadeillas, alors conservateur de la Bibliothèque Municipale de Carcassonne. J’entendais déjà l’accent rocailleux du savant érudit prononcer quelques anathèmes à l’égard des chercheurs de trésors.C’est sous le titre générique : Les dossiers secrets des trésors, que la France entière put voir, l’année suivante, sur la 2ème chaîne, ainsi qu’on la nommait, un à un, les sept épisodes de la série. Celui consacré aux “énigmes de Rennes-le-Château” fut diffusé le jeudi 27 juin 1974, à 21 h 35. durée : 55 minutes.
Peut-être deux mois après le passage de ce film sur le petit écran, M. Jean-Jacques Sirkis me recontacta. Il avait reçu un certain nombre de lettres de téléspectateurs, de France, de Suisse, de Belgique. Un courrier, cependant, avait retenu son attention; il voulait m’en lire son contenu. Il émanait d’une femme d’un certain âge qui le remerciait de lui avoir remis en mémoire des souvenirs de jeunesse. A vingt ans, elle avait vécu chez Marie Dénarnaud !
L’adresse de cette correspondante en poche, j’eus l’insigne privilège de la rencontrer. Elle voulut bien me faire le récit circonstancié de cette lointaine époque.
Originaire de la région de Limoux, elle éprouvait à peine les vertus de son beau diplôme d’institutrice, qu’elle fut nommée en 1925 à Rennes-le-Château.
Sa classe n’était composée que de sept élèves, dont l’aîné avait quatorze ans. Il s’appelait Adrien Marre. Plus tard, il fut maire de Rennes-le-Château.
La commune n’étant pas assez riche pour loger l’institutrice, on s’entendit avec Marie Dénarnaud pour lui assurer le gîte et le couvert contre une rétribution. Les week-end, la jeune femme revenait chez ses parents.
Très vite, elle marqua son étonnement devant les constructions encore toutes fraîches où elle prenait pension.
Fort intriguée par les bâtisses que “l’ancien” curé de Rennes avait fait construire dans ce village déshérité, presque perdu sur son piton, elle s’était risquée à questionner Marie avec qui elle prenait ses repas. Mais “Mlle Marie” n’était guère loquace. Elle appréciait bien la gentillesse de cette jeune personne, elle était sensible aux petites gâteries qu’elle lui ramenait de Limoux, mais c’était vraiment trop lui demander que de réveiller un passé qui ne lui valait plus que nostalgie.
Même mutisme de la part des habitants du village. Aborder le sujet, c’était s’exposer à l’incompréhension.
En revanche, les enfants de Rennes, ceux qui entendaient les conversations des adultes, lui racontaient plus volontiers ce qu’ils savaient. Pour eux et leurs parents, nul doute : M. le Curé avait trouvé des sous. De son vivant, cette rumeur circulait, renforcée, accréditée par nombre d’indices troublants, suspects.
Interrogé à ce sujet, le curé ne démentait jamais : il ne disait pas oui, mais il ne disait pas non. Et à sa mort, le fait était communément accepté.
Peu à peu, la jeune institutrice reconstitua l’écheveau historique tel qu’il était connu au village de Rennes. Les découvertes opérées ça et là par l’abbé Saunière, devant témoins, ses agissements nocturnes dans le cimetière, son argent facile, ses constructions coûteuses, ses visiteurs distingués, autant d’éléments auxquels étaient mêlés Marie Dénarnaud.
En prenant pour toile de fond le vieux château de Rennes, les villageois d’alors étaient persuadés que l’abbé et sa servante avaient mis à profit la connaissance d’une galerie souterraine reliant l’église au château. Ils étaient convaincus qu’il y avait de nombreux souterrains qui rayonnaient et chacune de ces galeries contenait des caches. Au village, il ne faisait aucun doute que l’abbé Saunière et “Mlle Marie” avaient trouvé alors “des pièces d’or et des objets enchâssés de pierres précieuses”.
On a même parlé d’une couronne… La croyance populaire voulait qu’ils aient dégagé, en creusant, à partir du presbytère, l’entrée d’un très vieux cimetière. Ces cavités remplies de petits trésors, que le curé rencontrait au fur et à mesure de sa progression, s’expliquaient par des caveaux qu’il bouleversait et vidait de leur contenu.
Telle était, dans toute sa rusticité, la trame de la tradition populaire avant qu’elle ne soit embellie, dénaturée, corrompue par mille détails venus de l’extérieur.
En 1929, la jeune institutrice annonça son départ du village : elle allait se marier. Pour la circonstance, Marie Dénarnaud lui offrit quelques pièces de porcelaine prises sur le service de table de l’abbé Saunière.
Lors de notre entrevue, mon interlocutrice me montra plusieurs assiettes et un grand plat qu’elle avait reçu en cadeau.
Plus jamais, la jeune femme ne revint à Rennes. Pourquoi l’aurait-elle fait d’ailleurs ?
Rennes n’avait été qu’une nomination temporaire. C’est en région parisienne qu’elle acheva sa carrière dans l’enseignement. J’avais retenu de cet entretien les fouilles engagées par l’abbé Saunière, en compagnie de Marie Dénarnaud, dans la chambre du rez-de-chaussée, contiguë à l’église. Ces recherches n’avaient duré guère plus de deux ans ; le curé de Rennes avait fini par les interrompre pour ne pas attirer l’attention.
Quelques mois plus tard, au début de l’année 1974, de passage à Rennes, je fis part de mes nouvelles informations à M. Henri Buthion, alors propriétaire de l’ancien domaine de l’abbé Saunière.
Il n’hésita pas un instant à me montrer l’emplacement des fouilles. D’ailleurs, son prédécesseur, M. Noël Corbu, avait tenté de les continuer. On pouvait encore voir, au fond du foyer d’une cheminée, un début de galerie remblayé à la hâte.
Plus intéressant peut-être, mon hôte souleva la moquette du sol et fit apparaître une large dalle qui allait du coin de la cheminée au mur de la chambre. M. Buthion me fit passer la main sous cette dalle et me conseilla de prélever un peu de la terre sur laquelle elle reposait.
A ma grande surprise, j’observais qu’il s’agissait indiscutablement de terre de remblai à laquelle était mêlée des débris d’ossements. C’était, en fait, de la terre de cimetière !
Pour M. Buthion, cette dalle était l’ancienne table d’autel de l’église Sainte-Madeleine, que l’abbé Saunière avait fait transporter là pour couvrir ses fouilles.
La suite des événements a révélé qu’il s’agissait du couvercle d’un sarcophage datant, peut-être, du IIIe siècle de notre ère…
Ma conviction est, qu’en effet, cette pierre fut utilisée comme maître-autel dans l’église jusqu’à ce que l’abbé Saunière la relègue dans son presbytère.
Les descriptions de l’église avant les remaniements opérés par Saunière confirment la chose.
Dès ce jour, je me mis à observer l’église de Rennes avec un regard nouveau. Cette “terre de cimetière” remettait bien des considérations en question.
Michel Vallet
(Pierre Jarnac)
Cet article reproduit un texte publié en octobre 1994, dans le n° 8 du bulletin de l’association Terre de Rhedae.
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Cordialement
Informations semblent très réalistes, ce qui justifie les mots de Marie ” argent maudit “.