Voici une version très ramassée d’une hypothèse dont m’avait fait part, en 1979, M. l’abbé Maurice-René Mazières. Faute de mieux, elle vient se rajouter à la douzaine d’éventuelles explications quant à l’origine du trésor de Rennes-le-Château…
En 1252, celui que l’on appelait Alphonse le Savant ou le Sage succédait à son père, Ferdinand III, sous le nom d’Alphonse X. Roi de Castille, il fut élevé à la dignité d’empereur par l’archevêque de Trèves (21 mars 1257). Ses fonctions l’amenant souvent en Allemagne, l’assemblée des Cortès profita d’une de ses absences, en 1275, pour désigner comme héritier du trône son fils cadet Sanche au détriment des enfants de son fils aîné, Ferdinand, dit l’Infant de la Cerda, qui venait de mourir le 25 juillet de cette année-là.
Dès cette décision, Sanche n’aura de cesse que son père ne démissionne en sa faveur. Pourtant d’un naturel pacifique, Alphonse X répond à l’hostilité ouverte de son fils en s’alliant au sultan du Maroc. Une suite de combats permit à Sanche de dominer la situation et d’éloigner provisoirement son père des affaires de l’Etat. Il ne fit pas que cela.
Il plaça au secret ses deux neveux (les fils de l’Infant Ferdinand), Alphonse de Luna, qui deviendra pour l’Histoire El Desdichado, le déshérité, et Louis (futur roi des Canaries). En revanche, il laissera imprudemment sortir du royaume la mère de ceux-ci, Blanche de France (qui était la deuxième fille de Saint-Louis).
En 1280, en effet, celle-ci traverse les Pyrénées et trouve refuge dans le Razès, à Rennes-le-Château, où elle séjourne chez Paul de Voisins, seigneur du lieu. Son ambition est de préparer son fils aîné, Alphonse de Luna, à succéder à son père. Elle dispose de fonds importants, qu’elle a amené avec elle, pour lever une armée.
Entre temps, Alphonse X propose à l’assemblée des Cortès un compromis qui consisterait à démembrer ses Etats pour offrir à son petit-fils le royaume de Jaen (Andalousie). Mais cette éventualité est repoussée. Pour sa part, Blanche obtient une base de discussions entre son frère, Philippe III le Hardi, Jacques 1er de Majorque (souverain du Roussillon) et Pierre III d’Aragon (eux-mêmes frères et adversaires). Le trio se rencontre à Toulouse où Pierre III promet d’intervenir auprès de Sanche pour obtenir la libération des deux Infants. Effectivement, il l’obtiendra, mais ce sera pour mieux s’emparer lui- même du jeune Alphonse. L’ayant relégué au château de Jativa, au fin fond du royaume de Valence, il met comme condition à sa restitution la libre jouissance du Carcassès et du Razès, qui est alors un apanage de la Castille.
Ce chantage ne semble pas avoir abouti car on sait qu’après des années de tractations, Alphonse le Déshérité finit par renoncer à ses droits. En échange, Sanche lui accorde une indemnité de 500 000 maravédis ou florins d’or qui doivent lui être versés par annuités. Sans doute a-t-il déjà rejoint sa mère qui est restée en France (il deviendra seigneur de Lunel). L’un des chariots d’or qui lui est destiné a disparu sur le parcours, pillé dans les environs de Rennes. La rumeur publique prêta ce brigandage à Paul de Voisins, qui dut s’éloigner pendant quelques temps.
La légende d’un trésor que la reine Blanche de Castille, mère de Saint-Louis, serait venue enfouir à Rennes-le-Château, au moment de la révolte des Pastoureaux, en 1250, a sans doute pour origine l’épisode du fourgon volé trente ou quarante ans plus tard. Deux reines Blanche à Rennes-le-Château, et qui plus est toutes deux de Castille, ont fini par n’en faire plus qu’une.
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